Quelques conseils fruits d’une observation de plus de 40 années de projets dans l’univers du service et de la technologie (IT, téléphonie mobile, banque, assurance et assistance).


Comme l’on sait, la réflexion, c’est surtout un travail informel, intérieur ou en petit groupe, et puis, lorsque tout s’est agencé, on peut passer à l’action à une vitesse incomparable. 

Les dix commandements

Pour répondre au problème posé, il faut se donner un cadre de référence, des limites, et c’est ce cadre qui doit permettre de trancher lorsque le doute apparaît.

C’est ce que j’appelle les dix commandements : il n’y a pas de projet, il n’y a pas d’entreprise, si un cadre de référence immuable n’est pas affirmé dès le départ.

Ces dix commandements sont essentiels car, simples, clairs, sans ambiguïté, ils s’imposent à tous et ne peuvent être transgressés, tout comme les valeurs de l’entreprise, sans remise en cause profonde de l’objectif.

Une direction de projet concentrée

Tout projet doit être porté, je dirais même incarné, par une équipe restreinte et soudée, avec un leadership fort : certes l’exécution peut demander des troupes nombreuses, mais la conception et le pilotage doivent être concentrés.
Je n’ai pas vu de réussite de projets d’importance où l’arbitrage des besoins et des choix sous-jacents, organisationnels et techniques, se font de façon collective : ce n’est pas tant par élitisme que par esprit pratique – même si je pense que la conception et la création, qu’il s’agisse de logiciels, d’entreprise ou de processus industriel doivent être le fait d’équipes dotées d’un fort pouvoir d’abstraction.

En effet, une équipe compétente, resserrée décide vite, maitrise l’ensemble des enjeux et fait les arbitrages en connaissance de cause. Et nécessité fait loi, il est hélas difficile et rare d’avoir des ressources internes à la fois disponibles pour un projet et disposant des aptitudes et compétences nécessaires.

La vitesse d’exécution est un facteur essentiel de réussite: d’abord elle permet de garder les équipes sous tension ensuite elle délivre des résultats rapidement et surtout, elle permet d’aller à l’essentiel.
Certes, le diable est dans les détails et c’est là que le collectif entre en jeu, par une démarche dialectique entre ceux qui pratiquent le métier au quotidien, et l’équipe de conception, réactive et observatrice.

Faire simple, voire frugal

C’est une suite logique d’un pilotage concentré: on peut faire simple, et c’est indispensable. En informatique, d’aucuns parlent de frugalité.

« Ce qui se conçoit simplement s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément, » disait notre vieux Boileau il y a plus de 200 ans.

Les projets pléthoriques rendent difficile la lisibilité de l’intention et complexe l’exécution. On traite des cas particuliers alors qu’ils dérivent tous d’un cas général, on ne peut faire simple que si l’on a travaillé la conception pour la ramener à sa forme irréductible et générale.

C’est ce que l’histoire des sciences nous a appris, comment Newton et Maxwell ont permis d’expliquer, en quelques formules simples, quasiment tout l’univers sensible qui nous entoure, à l’exception notable du vivant !
Dans le domaine technologique, il a fallu toute l’intelligence et la conviction d’Apple et de quelques autres pour faire que le smartphone devienne l’objet indispensable à tous les habitants de la planète : adage éculé mais vrai, « Il est simple de faire compliqué, il est compliqué de faire simple ».
Alors, parmi les dix commandements, ne pas oublier celui-ci : « ce qui est complexe et difficile à expliquer aux autres, tu oublieras ».

La simplicité, c’est aussi une nécessité pour obtenir l’acceptation du plus grand nombre. Nos leaders populiste le savent bien: des mots simples passe-partout : « mon programme c’est le vôtre »… Mais regardez l’embarras de notre gouvernement actuel à expliquer des mesures trop spécifiques, souvent apparemment contradictoires, d’où le problème de leadership et de confiance.

Confiance et courage

Ma dernière leçon, c’est que pour faire vivre une organisation, il ne faut pas avoir peur du changement. Si l’on a des convictions, même si elles se heurtent à des oppositions, il ne faut pas renoncer. 

Bien sûr, un consensus minimal doit se faire pour permettre d’envisager de passer à l’action, mais il faut aller de l’avant : il n’y a pas de risque à anticiper, surtout dans notre monde technologique en évolution accélérée.
Être prêt avant les autres est plutôt un avantage, et même si l’initiative n’aboutit pas, elle aura permis de mieux connaître les marchés, les hommes, les techniques, …

Je ne vais pas ici faire le panégyrique de l’innovation, mais c’est bien de cela qu’il s’agit : brasser des idées, vaincre les réticences, mettre ses idées en œuvre, les confronter au marché, c’est une nécessité vitale pour nos entreprises, et une nécessité pour nos collaborateurs qui doivent connaître le cap à suivre et nos motivations : prise de risque et transparence, deux éléments essentiels à la direction d’entreprise.